Tout savoir sur le syndrome du canal carpien et son traitement

Le syndrome du canal carpien constitue le premier trouble musculo-squelettique le plus répandu et l’une des premières causes d’arrêt-maladie. Si son origine est encore méconnue dans la plupart des cas, son traitement chirurgical permet à la plupart des patients de retrouver l’usage normal de leur main et d’oublier complètement les douleurs et les fourmillements qu’il provoque.

Un nerf sous pression

Le canal carpien est une sorte de tunnel étroit et inextensible situé à la face antérieure du poignet. Il est limité en arrière et sur les côtés par les os du carpe (poignet) et, en avant,  par un épais ligament, appelé ligament annulaire antérieur  du carpe. Ce tunnel laisse le passage au nerf médian qui assure la sensibilité des doigts (pouce, index, majeur, une partie de l’annulaire) ainsi qu’une partie de la motricité du pouce, et aux tendons fléchisseurs qui permettent la flexion des doigts. Le syndrome du canal carpien (SCC) résulte de la compression du nerf médian à l’intérieur du tunnel. Les causes qui en sont à l’origine sont encore mal connues, à l’exception de cas bien particuliers comme l’augmentation du volume de la synoviale des fléchisseurs due à certaines maladies (diabète, hyperthyroïdie, amylose…) ou de kystes et tumeurs se développant à l’intérieur du canal.

Image
Ligament annulaire

Situé dans la face antérieure de la main, le canal carpien est limité en avant par le ligament annulaire antérieur du carpe (en blanc) sous lequel chemine le nerf médian (en jaune) qui innerve les doigts.

Les femmes plus touchées que les hommes

Le syndrome du canal carpien est, avec la coiffe des rotateurs (lien vers l’article du site SOFCOT) le trouble musculo-squelettiques (TMS) le plus répandu avec 130 000 à 150 000 cas opérés en France par an. Il touche deux fois plus les femmes que les hommes. Il apparaît chez les femmes le plus souvent vers 50 ans (probablement en raison de facteurs endocriniens liés à la ménopause) et vers 30 - 50 ans chez les hommes qui exercent une activité professionnelle sollicitant fortement leurs poignets de façon répétitive ou qui utilisent des machines vibrantes.  A noter que des  études récentes a démontrent que la fréquence et la gravité du syndrome progresse avec l’âge. Les SCC sont ainsi plus nombreux entre 70 et 80 ans qu’entre 50 et 60 ans. Enfin, lorsqu’une main est touchée, l’autre risque de l’être également, parfois plusieurs années plus tard. 

Des fourmillements et des douleurs qui réveillent la nuit

Contrairement à d’autres pathologies de la main (arthrosestendinites…), les symptômes du canal carpien surviennent essentiellement lorsque la main est au repos. Si certains patients sont davantage gênés le jour que la nuit, la grande majorité des autres sont réveillés en fin de nuit par des fourmillements douloureux et des engourdissements des doigts qu’ils cherchent à faire disparaître en mettant la main en bas, en la plaçant sous l’eau ou en faisant des mouvements de flexion-extension des doigts. Les douleurs peuvent également remonter jusqu’à l’épaule. Dans les stades plus avancés, le patient se réveille plusieurs fois chaque nuit et a la sensation d’avoir des doigts boudinés jusqu’à ne plus pouvoir éteindre son réveil. La compression du nerf peut entraîner une une perte de sensibilité des doigts (pouce, index, majeur, essentiellement) qui peut devenir définitive. Certains muscles du pouce peuvent également s’atrophier.

Image
Canal carpien creux

Le creux montré par la flèche est du à l’atrophie des muscles du pouce

© Thierry Dubert

Un examen clinique pour éliminer d’autres pathologies

Après avoir consulté son médecin traitant,  il est préférable de s’orienter vers un chirurgien orthopédiste spécialiste de la main qui sera à même de réaliser un diagnostic sûr et d’éliminer les autres causes pouvant provoquer des symptômes similaires (tendinites, coiffe des rotateurs…). Outre l’analyse des douleurs décrites par le patient, le chirurgien réalise un examen clinique. Il exerce une pression sur le nerf médian ou maintient le poignet en flexion quelques instants, afin d’accentuer les symptômes. Ce test a l’avantage de préciser qu’il existe bien une compression du nerf   au niveau du canal carpien. En effet les compressions qui sont localisées au coude ou au niveau du rachis cervical peuvent  provoquer les mêmes douleurs que le SCC. . En complément, le chirurgien prescrit un électromyogramme, un examen réalisé par un neurologue. Enfin, il recherche systématiquement des pathologies associées très fréquentes (doigt à ressaut, maladie de Dupuytren…) afin de les traiter simultanément.

L’électromyogramme : le courant passe… ou pas

Non irradiant et sans aucun effet secondaire, l’électromyogramme permet de conforter un diagnostic de SCC et de mesurer sa gravité. L’examen consiste à calculer la vitesse de la conduction du courant électrique entre deux points du nerf médian situés de chaque côté du canal carpien. Plus elle est éloignée des valeurs normales, plus le syndrome est avancé.

Un traitement médical pour soulager, un traitement chirurgical pour guérir

Il existe de nombreux traitements paramédicaux (acupuncture, ostéopathie, ultrasons, yoga, aimants…) mais leur efficacité n’a jamais été prouvée scientifiquement, tout comme celle de l’attelle posée la nuit qui est généralement recommandée. Les anti-inflammatoires par voie orale sont déconseillés en raison de leurs effets secondaires dus à la cortisone. En revanche,  pour les SCC peu avancés, l’infiltration de cortisone est efficace pour une durée allant de quelques jours à quelques mois. Elle peut être répétée deux ou trois fois mais son efficacité se réduit le plus souvent avec le temps. Dans les formes les plus avancées (perte de sensibilité, perte de la motricité), il est nécessaire d’opérer rapidement au risque que la récupération du nerf ne soit incomplète même après l’intervention chirurgicale. Mais dans la plupart des cas, le syndrome s’aggrave avec le temps et nécessite une intervention chirurgicale.

L’opération, qui dure une vingtaine de minutes, a pour but de libérer la compression du nerf en élargissant le canal carpien grâce à la section du ligament annulaire antérieur du carpe. Elle s’effectue sous anesthésie locorégionale du bras ou de la main en mode ambulatoire. Il existe deux types d’intervention : à « ciel ouvert » (on ouvre la paume de la main) et, de plus en plus souvent, par voie endoscopique (une ou deux petites incisions qui laissent un instrument optique relié à une une caméra et les instruments). La petite taille des incisions permet au patient de reprendre plus rapidement ses activités . 

Image
Canal carpien voie endoscopique

Intervention par voie endoscopique : une canule métallique a été introduite à l’intérieur du canal. Le ligament est ouvert, les deux berges s’écartent et le nerf (non visible ici) est libéré.

© Thierry Dubert

Image
Canal carpien Cicatrices

Les deux cicatrices juste après libération du canal carpien par voie endoscopique.

© Thierry Dubert

Quel que soit le mode opératoire choisi par le chirurgien, le bénéfice est immédiat. Les fourmillements disparaissent la nuit même de l’intervention sauf lorsque le SCC est très évolué avec une perte de la sensibilité. Dans ce dernier cas, si les fourmillements disparaissent, la sensibilité peut ne revenir qu’au bout de plusieurs mois voire pas du tout, chez les patients âgés, le nerf n’ayant plus la vitalité suffisante.

Des suites opératoires légères mais une reprise des activités plus ou moins longue

Mode ambulatoire oblige, le patient sort le jour-même de l’intervention. Il est invité à bouger le soir-même les doigts, l’épaule et le coude. Des soins infirmiers très simples sont à prévoir quelques jours pour la cicatrisation. La reprise de l’activité varie suivant la nature de celle-ci. Il faut compter 3 semaines environ pour les gestes quotidiens, 1 mois et demi pour les travaux de force mais 3 à 6 mois pour ne plus ressentir aucune gêne.

La Haute Autorité de Santé préconise des arrêts de travail de 7 jours (endoscopie) ou de 14 jours (chirurgie à ciel ouvert) pour les travailleurs sédentaires, et de 21 à 35 jours (endoscopie) ou de 28 à 45 jours (chirurgie à ciel ouvert) pour ceux qui occupent un poste de travail nécessitant un effort physique important. Dans la réalité, la durée moyenne des arrêts de travail est plus longue. En 2011, elle s’établissait ainsi à 60 jours.

Une cicatrisation évolutive

Les cicatrices évoluent au fil du temps. Souples et fines la première semaine, elles se surélèvent légèrement ensuite là où les incisions ont été faites avant de s’estomper les semaines suivantes. De même un léger relief apparaît dans la paume de la main à l’endroit où le ligament a été ouvert. La cicatrisation de ce dernier rend d’autre part la paume légèrement sensible si l’on appuie dessus. Cette sensation disparaît dans les 3 à 6 mois suivant l’opération.

Des complications qui restent rares

Deux sortes de complications existent : les infections sont exceptionnelles et  ne sont jamais graves si traitées à temps. Les complications opératoires comme la section d’un nerf, d’un tendon ou d’une artère pendant l’intervention sont extrêmement rares.

Il arrive également parfois que les symptômes persistent. Un phénomène dû le plus souvent à une libération insuffisante de ligament. Une seconde intervention est alors pratiquée.

Certains patients connaissent une rechute. Une consultation du chirurgien est alors indispensable pour réaliser de nouveaux examens afin de vérifier la présence éventuelle de fibrose autour du nerf médian et de décider du traitement approprié (médical ou chirurgical). Enfin, dans de rares cas, des patients souffrent d’algodystrophie, un syndrome régional douloureux et complexe qui se caractérise par des enraidissements diffus à l’ensemble de la région au-delà de la seule cicatrice. Cette pathologie réclame une prise en charge par un spécialiste.

Au total, le syndrome du canal carpien est très fréquent, la simple libération du nerf médian permet dans la plupart des cas une disparition instantanée et définitive des douleurs nocturnes.

 

Cet article a été rédigé avec le concours du Dr Thierry Dubert, chirurgien de la main, de l’épaule et du membre supérieur, membre de la SOFCOT.

 

Définitions à ajouter dans le glossaire

Algodystrophie ou syndrome douloureux régional complexe:  maladie handicapante et rare qui se caractérise par des douleurs chroniques diffuses et enraidissantes. Le mécanisme de cette affection est encore mal connu.

Axone : Un axone est le prolongement de la cellule nerveuse dont le noyau est dans le système nerveux central. Le nerf médian est constitué de milliers d’axones qui transmettent les signaux nerveux de la main au cerveau.

Nerf médian : nerf qui assure la sensibilité de la face antérieure du pouce de l’index et du majeur  et l’innervation motrice de certains muscles du pouce.