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Rémy Nizard

 

Le Professeur Rémy Nizard (1959-2025) s’est éteint le 11 août 2025, à l’âge de 65 ans, alors qu’il exerçait toujours ses fonctions de chef du service d’orthopédie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP).

Chirurgien orthopédiste d’exception, reconnu internationalement pour son expertise dans le domaine des prothèses du membre inférieur, il a marqué durablement sa discipline. Enseignant exigeant et bienveillant, il a formé plusieurs générations d’orthopédistes, transmettant avec rigueur, humilité et passion des savoirs un savoir-faire et un savoir-être qui ont suscité de nombreuses vocations. Son engagement a largement contribué, en France comme à l’étranger, à l’amélioration des techniques chirurgicales.

Après des études médicales et un internat à Paris, Rémy Nizard a effectué toute sa carrière au sein de l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris. Chef de clinique en 1992, il a exercé à l’hôpital Tenon puis à l’hôpital Avicenne avant de rejoindre, en 1994, l’hôpital Saint-Louis puis l’hôpital Lariboisière, institution à laquelle il restera fidèle. Nommé praticien hospitalier en 1997, il devient professeur des universités–praticien hospitalier en 2002, puis chef de service en 2010, fonction qu’il a occupée sans discontinuer jusqu’à son décès.

Sur le plan clinique, il s’est distingué par son ouverture aux innovations. Héritier de l’école du couple de frottement céramique–céramique, dont il a assuré la promotion au niveau international, il a accompagné et encadré de nombreux travaux de recherche ayant conduit à des publications majeures. Précurseur en France dans l’usage de la chirurgie assistée par ordinateur, il a introduit dès les années 2000 la navigation pour les prothèses totales de genou, puis, plus récemment, a fait de son service le premier en Île-de-France à pratiquer la chirurgie orthopédique assistée par robot.

Sa réflexion s’inscrivait toujours dans une démarche critique et évaluative. Inspiré par les travaux de Michael E. Porter, il s’est intéressé dès 2006 au Value-Based Health Care (VBHC), militant pour un changement de paradigme, notamment auprès des jeunes générations. Sous son impulsion, le service d’orthopédie de Lariboisière est devenu l’un des pionniers à l’AP-HP dans la collecte systématique d’auto-évaluations par les patients, et il a lancé, peu avant sa disparition, un programme de patients partenaires. Sa vision plaçait l’humain au centre de la médecine, considérant chaque patient dans sa globalité plutôt qu’à travers le seul prisme de l’acte chirurgical.

De son intérêt pour les sciences comportementales est née une attention particulière aux déterminants psychosociaux des résultats fonctionnels. Convaincu de l’importance du dialogue médecin–patient, il a initié des travaux scientifiques démontrant l’impact de facteurs tels que l’anxiété ou le catastrophisme sur les résultats post-opératoires, et a obtenu l’intégration d’une psychologue au sein du service. Fidèle à ses principes, il a également œuvré pour la prise en charge de tous, y compris des patients en situation d’obésité morbide, en développant un partenariat durable avec le service spécialisé de la Pitié-Salpêtrière.

En recherche, le Pr Nizard a été l’un des pionniers de l’application en chirurgie orthopédique de méthodes statistiques innovantes, telles que les tests de contrôle qualité (CUSUM) ou les méta-analyses en réseau. Son partenariat étroit avec le CRESS, dirigé par le Pr Ravaud, et particulièrement avec l’équipe ECSTRAA du Pr Sylvie Chevret, a permis le développement de projets originaux en méthodologie chirurgicale. Directeur adjoint du laboratoire B3OA (UMR CNRS 7052 / Inserm U1271), il a contribué aux avancées en bio-ingénierie tissulaire et en biomatériaux.

Au-delà de son engagement clinique et scientifique, le Pr Rémy Nizard a exercé d’importantes responsabilités institutionnelles. Président du Comité consultatif médical de l’hôpital Lariboisière en 2009, puis de la Commission médicale d’établissement locale du groupe hospitalier Saint-Louis – Lariboisière – Fernand-Widal de 2010 à 2019, il s’est affirmé, dans un contexte de profondes transformations, comme une voix constructive, respectée et écoutée. Il a pris part à de nombreuses instances, tant au sein de l’AP-HP (commission des effectifs, groupes de travail sur le plan stratégique) qu’au niveau national, notamment à la Haute Autorité de Santé.

Homme de vision et de conviction, il fut l’un des principaux artisans du projet du Nouveau Lariboisière, dont l’ouverture prochaine portera durablement son empreinte. Pour lui, ce projet dépassait la dimension immobilière : il constituait une refondation de l’hôpital, recentrée sur les besoins des patients et des soignants, en accord avec les exigences de la médecine contemporaine.

Marié, père et grand-père, il a su maintenir une famille soudée, à l’hôpital comme à la maison. C’était un homme réfléchi, qui en disait souvent peu, tout bas, calmement, toujours avec justesse, précision et impact. Il se battait pour la dignité des patients, des soignants, parfois défaitiste mais très souvent gagnant. Beaucoup lui doivent tout et pourtant il ne demandait rien. Il était loyal, fidèle et humain.

Son héritage scientifique, humain et éthique continuera d’inspirer celles et ceux qui poursuivront son œuvre. Avec sa disparition, la chirurgie orthopédique française et parisienne perd une figure majeure, dont la compétence, la disponibilité et la générosité resteront dans toutes les mémoires.

À sa famille, à ses proches et à tous ceux qui ont eu le privilège de travailler à ses côtés, nous adressons nos plus sincères condoléances.

Pierre-Alban Bouché, Flore Devriese, Valérie Rozier, Jules Descamps